Mad Meeting

Le dragon noir approchait à grande allure, ses ailes sombres traversant les airs comme des épées frappant dans une chair tendre. La gueule de la bête frémissait et laissait échapper une bave magmatique dont les gouttes faisaient fondre l’asphalte sur laquelle elles s’abattaient. Harley, munie d’un lance-pierre en caoutchouc, fixait son adversaire avec une farouche détermination. Il ne passerait pas ! Elle ne voulait d’aucune bête ailée dans son territoire. Le dragon fonça tout d’un coup sur eux. Sans que l’arlequine ait le temps de réagir, les crocs du monstre se refermèrent sur le Joker, qui était en train de le prendre en photo. Harley, dévastée, tomba à terre comme une poupée de chiffon. Des larmes coulaient abondement sur ses joues et son corps vibrait, animé par un gémissement continu. Levant les yeux sur le dragon qui venait de tuer son homme, elle le vit sortir un violon de nulle part et entamer quelque mélodie, comme pour couvrir le bruit de la détresse de la jeune femme. La bête se rapprochait d’elle, le son de l’instrument devenait de plus en plus fort. Harley se couvrit les oreilles et hurla :



Harley se réveilla en sursaut. C’était toujours ce rêve qu’elle faisait, et même si la bête changeait souvent de visage, elle savait qui se cachait dessous : celui qui se cachait toujours. Mais le coup du violon, c’était nouveau. La jeune femme ne tarda pas à comprendre la raison de cette intrusion au sein de son rêve le plus tragique. Il y avait bien un violon à Amusement Mile. Il y avait bien un intrus. Harley sauta hors du lit et attrapa sa kalachnikov. Sans se soucier de sa petite tenue – un tee-shirt avec une photo du Joker imprimée sur le devant et une petite culotte avec une photo du Joker imprimée sur le derrière –, elle partit à la chasse à l’intrus. Elle ne mit pas longtemps à le trouver. Il s’agissait d’un des nombreux timbrés qui peuplaient Gotham en se pensant suffisamment important pour porter un masque. Celui-ci avait un masque vénitien, ce qui ne manquait pas d’originalité, mais l’arlequine n’était pas d’humeur esthète. S’avançant vers lui, elle braqua l’arme dans sa direction et lança :

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L’illuminé semblait insensible à la colère de Harley. Il jonglait et paradait comme si elle venait de l’inviter à son anniversaire. Un de ses fans vraisemblablement. Ils étaient si rares, et toujours aussi tordus. La jeune femme crut halluciner quand le violon se mit à pleurer. Elle n’eut pourtant pas le temps de s’en étonner car la tête du Joker venait de tomber à ses pieds, comme dans ses rêves les plus fous. C’était à elle de pleurer désormais. Comme ce visage plein de grâce et d’enthousiasme lui avait manqué ! Elle se baissa et ramassa la boîte avec la délicatesse qu’elle aurait eu à tenir une grenade, et la serra avec douceur entre ses bras. Laissant son fusil tomber à terre, elle répondit au prénommé W :



Harley fixa un court instant la carte que venait de jeter le ménestrel fou, mais ne parvint pas à en distinguer les caractères. Les larmes les barraient la vue… Joker était le roi des cartes, l’as de trèfle qui lui avait piqué son cœur. La jeune femme commençait à être déshydratée. C’était vraiment courageux de la part du musicien de prendre l’arlequine par les sentiments quand on savait qu’ils passaient du coq à l’âne en un dixième de seconde. Elle grogna et tourna vers W ses yeux rouges de tristesse et d’une colère qui commençait à refaire surface :

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La jeune femme sécha ses larmes. Elle devrait suivre l'appel du business. Elle ne croyait pas trops au "j'ai vu de la lumière et je suis entré" du gugusse. Un association ? Un échange horizontal n'était pas du goût de la jeune femme. Pourtant deux bras en plus ne seraient pas de trop :



Harley, d'un pas joyeux, prit la direction de son bureau, en faisant signe à W de la suivre :

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